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Himachal Pradesh 

Une journée en Himachal Pradesh

Nos professeurs en perdraient leur latin ! En Himachal Pradesh, au nord de l’Inde, les élèves sont sages comme des images, disciplinés comme un corps d’armée, polis et contents de l’être !
Dans le petit village de Rangoori, une journée d’école ressemble à celles que devaient vivre nos grands-parents.
Pour les Indiens, la famille reste la valeur refuge que la bourse de la modernité n’a pas encore annoncé à la baisse.

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Le confort des classes n’y est en tout cas pour rien ! Deux minuscules pièces pour une cinquantaine d’élèves. Glacées en hiver et torrides en été. La moitié du programme se donne donc sur le perron ou dans la cour. C’est ici que commence la journée, par n’importe quel temps.

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Serrés en rang d’oignons, les mains jointes derrière le dos, les élèves entonnent un chant patriotique qui sera suivi d’une longue diatribe pour une voix ventant les mérites et les beautés de l’Himachal Pradesh. Le chœur reprend à l’unisson un chant religieux et, après un salut final synchronisé, les cours commencent.

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A la belle saison, les professeurs se protègent du soleil sous un arbre en fleur et aux mois les plus froids, on ferme pour les vacances. En janvier et février, tout s’arrête ici, à Rangoori, petit hameau perché au dessus de Sarahan. Pas de travail, pas d’école, pas de terre à cultiver, pas d’argent qui rentre. Les femmes filent et tissent, les enfants se chamaillent et les hommes boivent en jouant aux cartes. La reprise des classes est une bénédiction pour tout le monde. Avec elle, c’est le printemps qui s’annonce et chacun retourne à ses occupations. Les femmes au champ ou au verger et les hommes au café. Les enfants enfilent fièrement leur uniforme et retrouvent les bancs de bois encore gelés. Il y a deux ans à peine, il n’y avait pas d’école dans ce petit village et il fallait marcher plus d’une demi-heure pour se rendre à Sarahan.
Cette année, si tout va bien, le district du Kinnaur devrait offrir quatre salles supplémentaires, ainsi que le bois pour les chauffer et le matériel scolaire. La participation des parents est tout de même de 10 rupees par mois et par enfant (33 rp= 1 fr.). Ce qui est beaucoup quand on sait que le salaire moyen est de 60 fr.

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Un privilégié par famille

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Ainsi, tous les enfants ne sont pas scolarisés ; ce n’est pas obligatoire et la plupart n’y vont d’ailleurs que de dix à quinze ans. Les autres travaillent ou s’occupent des petits troupeaux. Par souci d’économie, on choisit donc un membre de la famille et tout le monde travaillera pour qu’il puisse aller à l’université.

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Mais il faudra alors se rendre jusqu’à la grande ville, Shimla, capitale de l’Himachal Pradesh, à 200 km de là. Y trouver un logement, s’y nourrir. Et comme cette dernière est une des stations les plus chics de ces contreforts himalayens, tout y est hors de prix. Tandis que vous payez une chambre de 80 à 150 rp (de 2 fr. 50 à 5 fr.) par jour dans le reste de l’Inde, les petites pensions les plus minables affichent ici un barème qui ne descend guère au-dessous de 300 rps.

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Depuis que les Anglais y établirent leur quartier d’été, de 1819 à 1939, Shimla est devenue la coqueluche des touristes en mal d’esprit colonial. Il faut dire que l’architecture y est tout à fait surprenante pour une ville du nord de l’Inde. On se croirait volontiers en Angleterre au début du siècle. Et cela a son charme. Tous les jeunes rêvent d’y venir au moins une fois, pour y manger des hamburgers, écouter de la musique, voir des gens bien habillés, boire de l’alcool à volonté ou aller au cinéma. Car dans leur petit village, rien de tout cela. Ni cinéma, ni salle de jeux, ni discothèque, les seules distractions sont les jeux d’équipes ou de société. Mais à voir les visages souriants et épanouis, les rires qui chantonnent entre chaque phrase ou pour une foule de petits riens, on se demande si tout cela leur manque autant qu’ils semblent le dire. Peut-être que d’en rêver leur suffit et les rends plus heureux que de posséder l’objet de leur désir. Qui immanquablement, et ils le savent, les entraîneraient vers un nouveau désir.

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Comment voyez-vous la Suisse ?

Quand on demande à Randeep Chand, un des quatre professeurs de l’école de Rangoori comment il voit la Suisse et le monde occidental en général, sa réponse est éloquente et polie « Ah ! Oui, Genève, c’est une belle ville. Le business, les échanges, la communication et des moyens de transports qui fonctionnent à merveille (ndlr. Ici la vitesse moyenne est de 30 km/h, sans compter les routes qui s’écroulent à chaque mousson et à chaque fonte des neiges, c’est-à-dire, à peu près toute l’année). En Suisse, les gens travaillent trop. Ils ne pensent qu’au travail. En Inde, vous savez, nous aimons le far niente, vagabonder sans but. Prendre le temps de vivre et de partager de bons moments avec notre famille. Nous nous contentons de peu. Juste de ce dont nous avons besoin pour vivre, mais vivre bien. Chez vous, les gens sont trop pressés, trop stressés comme vous dites. Personne ne prend plus le temps de parler ou de passer du temps avec les autres. Nous ne pourrions pas vivre ainsi. »

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Pour les Indiens, la famille reste la valeur refuge que la bourse de la modernité n’a pas encore annoncé à la baisse. Le quotidien s’accommode des anciens, des malades, des enfants. L’entraide reste une évidence qui a ses avantages. Une grande partie de la journée est aussi consacrée à la religion.

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Les Indiens sont comme les tout petits enfants ; ils ne se fient pas aux mots que vous prononcez, mais comprennent instinctivement ce que vous voulez réellement leur dire.

Sacré temps !

Bien que les élèves aillent officiellement en classe six jours par semaine et dix mois sur douze, une bonne partie de l’année est consacrée aux innombrables fêtes et festival religieux. Officiellement encore, le Kinnaur en affiche vingt-quatre sur son calendrier. Car c’est sans compter avec la tolérance qui donne à chaque déité l’honneur d’être célébrée. Hindoue, bouddhiste, musulmane, chrétienne ; ici la religion est encore sacrée. Mais l’est-elle aussi pour les jeunes ? « Oh ! Oui, s’exclame Randeep Chand. Les jeunes vont tous les jours au temple où l’on célèbre deux pujas (messe), une le matin et une le soir. Ils prient, demandent au dieu de notre village d’accomplir leurs voeux. Je pense que prier et se rendre dans un endroit sacré avec un esprit religieux aide à préserver la paix, de bonnes relations et garde des mauvaises actions ».

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Dès que le soleil se lève, les cloches se mettent à sonner à toute volée et le haut-parleur du temple diffuse des chants qui tiennent plus de ceux d’une joyeuse fête de village que de quelque litanie religieuse. Un concert de tintements métalliques se mêle aux voix suaves d’un duo que l’on pourrait croire amoureux. Les gens vont et viennent, discutent, grignotent des sucreries ou des petits pois grillés. L’humeur est bon enfant, l’ambiance légère.

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Pourtant, il y a à peine une quarantaine d’année, on pratiquait encore ici le sacrifice humain. Un membre volontaire d’une famille s’offrait chaque année à Bimakali, la déesse assoiffée de sang. « Ce rituel est toujours pratiqué dans les villages reculés, raconte Randeep Chand. Il assure la protection de Kali à tous les villageois et une rente viagère, versée par le clergé, à la famille du volontaire. »

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Depuis l’interdiction de cette pratique, on ne sacrifie plus que du petit bétail dans le célèbre temple de Bimakali, à Sarahan. Un des plus bel exemple d’architecture de l’Himachal Pradesh où des milliers de pèlerins hindous et de curieux viennent chaque année. Mais le tourisme s’est également fortement développé dans cette région depuis que Peter Hilary et Graeme Dingle l’ont fait connaître, en passant par le Parbati Pass (5319 m) lors de leur expédition trans-himalayenne de 1981.

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Une aubaine pour les jeunes qui n’ont pas les moyens de poursuivre leurs études et tentent d’ouvrir un petit commerce, une échoppe à thé, une gargotte ou une boutique d’artisanat. « En travaillant avec les touristes, on gagne trois fois plus qu’aux champs, note Randeep Chand. Et vous savez, les gens d’ici ne veulent plus travailler la campagne, c’est trop dur. Ceux qui ont fait des études trouvent cela dégradant et les jeunes veulent voir autre chose, ouvrir leur horizon, écouter le chant du monde… »

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