ya-soma !

Oui, on s’inquiète de la condition de la femme en Afrique...
Mais la condition des routes ne devrait pas non plus être négligée !

Michael Musson - 03.02.2014

Tout fout le camp

Il y a longtemps j’écoutais volontiers une chanson de Mecano

Michael Musson - 28.07.2009

Le rêve

Le ciel s’est assombri d’un seul coup. Et les nuages semblaient nous avoir coupé brutalement de l’univers, nous laissant seuls sur Terre.

Chapitre I

Nous avions tous levé les yeux, un instant plus tôt. Il n’y avait pourtant pas eu le moindre bruit, pas même une onde, juste un immense silence, inhabituel, comme si l’air retenait son souffle avant d’expirer cette étrange couleur. Un vert acide, qui s’est infiltré jusque dans l’atmosphère que nous respirons. Et nous savions que désormais, tout nous apparaîtrait à travers ce filtre glauque, avec juste ce souvenir de bleu enfoui dans son opacité. Une foule immense s’est mise en marche, comme une seule masse, grise et résignée.

Pendant une fraction de seconde, j’aurais pu croire que je rêvais. Traversant un tableau de Roland Cat. Mais je me suis souvenue que l’art ne me faisait plus rêver.
Comment cesse-t-on d’apprécier l’art ? Est-ce seulement possible de devenir si indifférent à ce qui nous a construit, porté pendant toutes ces années ?

Pourtant, c’est arrivé, insidieusement, et je ne m’en suis même pas rendue compte. Quelle idiote ! Mes sens se sont certainement affolés, ils ont dû batailler dans tout mon sang pour me prévenir. Mais j’étais trop occupée par une autre contemplation, et je me suis laissée engloutir.
Petit à petit, une nouvelle substance s’est insinuée dans mes cellules, à la manière d’une transfusion sanguine ou d’un lavage de cerveau à la chinoise. A force de blessures sur lesquelles on verse juste une goutte de mer, pour faire plus romantique. Se contentant d’imprimer les nouvelles données dans la chair en un coup de syllogisme au faîte de la douleur. La méthode est aussi redoutablement efficace lorsque la cangue se relâche. Que l’on entend à nouveau le piaillement des petits oiseaux derrière la fenêtre et qu’une main magnanime panse vos blessures. C’est à ce moment-là que le corps tout entier se relâche, cessant d’être aux abois et vous laissant plus vulnérable encore.
Si vous voulez définitivement marquer votre sujet, c’est cet instant-là qu’il faut choisir. Parce que dans cet abandon, vous ne trouverez aucune résistance, et la lame pénètrera au plus profond de sa structure mentale, comme dans du beurre.

Le cabriolet avançait lentement. Suivant le cours improvisé d’une rivière, tantôt à sa surface, tantôt se glissant sous les vagues, légères. Un peu à la manière d’un dauphin. Dans toute cette grisaille, la Cadillac jaune - modèle 59 - m’appararut comme une pépite d’or dans un océan de vase, rehaussé par le chemiser blanc qu’elle portait.

Elle fumait tranquillement en tenant le volant d’une seule main. Sur les sièges de cuir perle s’entassaient pêle-mêle une dizaine de moines, avec leur belle robe rouge. Ils regardaient de tous côtés, l’air affolé, comme s’ils allaient tomber d’un instant à l’autre aux mains d’on ne sait qui. La rue sentait le soufre et tout le monde s’agitait maintenant dans tous les sens. Sauf elle.
J’essayais de la suivre en me frayant un passage au milieu de la foule qui ne reconnaissait plus rien ni personne. Prête à vous piétiner pour passer, sans même connaître le but de cette fuite crépusculaire.
Mais elle, elle savait. Cette certitude émanait de tout son corps. Et elle était probablement la seule personne qui dégageait cette assurance-là, à mille lieues à la ronde.


– Où allez-vous ? lui criais-je depuis l’autre côté de la route.
– Dans la grotte ! lança-t-elle, légèrement agacée. Comme si c’était l’évidence même. La seule alternative à laquelle elle me reprochait de ne pas avoir pensé.
Puis ses mots se perdirent entre les remous.
– Mais bon sang, quelle montagne ? hurlais-je avant de les voir disparaître à l’assaut d’un haut plateau, qui pouvait déboucher n’importe où.

mgm bolivie
Michael Musson

J’avais envie d’éclater en sanglots. Elle savait que j’avais oublié cet endroit. Elle le savait. Et pourtant elle n’avait rien voulu me dire. Où peut-être n’avait-elle pas osé, de peur d’y être suivie. Prise au piège dans son propre refuge.

Chapître II

Les rêves n’ont aucun sens si personne n’est là pour les écouter, le matin, au réveil.
« Ce que je recherche, écrit Natsuki Ikezawa, dans La vie immobile, ce n’est pas l’accomplissement dans un espace à deux ou trois dimensions : c’est la liaison avec quelque chose de plus vaste. »

mgm chili animaux
Michael Musson


Je me suis assise sur le trottoir, à l’endroit précis où elle avait mis les gaz. Il y avait là quelques morceaux de bois flottant que la rivière avait traîné dans le sillage de sa décapotable grand style. Comment diable avait-elle pu se procurer une caisse pareille ?
J’avais deux ou trois briquets dans la poche extérieure de mon sac. Je choisis le rouge, pour tenter une résonance avec le vert. Fis craquer mon dernier ticket de métro et y lançai quelques bouts de plastique qui traînaient dans le caniveau ; excellents allume-feu - quoi qu’en disent les écolos. J’attendais que le tout veuille bien s’enflammer.
Il n’y avait pas de vent. Le feu crachouillait.
Evidemment, toutes ces toxines dans l’air, ça n’était pas la panacée pour fournir l’oxygène nécessaire. Et moi j’avais les orteils et la cervelle gelés. Bon sang, donnez-moi un peu de carburants !
Holà, holà ! Suffit de demander ma belle, pas besoin de perdre les pédales pour un oui pour un non.
Je levai les yeux en direction de cette voix providentielle. Une charrette s’était enlisée dans la boue. Ca jurait sec tandis que les occupants jetaient pêle-mêle le superflu par-dessus bord ; par ordre d’importance, ou de nécessité, c’est selon.
C’est lui qui a pris l’initiative. Un grand brun plein de boucles, avec une moustache fine et noire comme une lame de rasoir. Il sentait la sueur à dix kilomètres à la ronde et avait dû batailler rude pour rassembler l’essentiel en cinq sec sur ce radeau tiré par deux percherons impassibles. Il fit voler en éclats un superbe lustre sur la chaussée ; cristal de bohème XVIIIe, ça fait joli. Puis ce fut au tour, Dieu soit béni, de toute la collection de la Comtesse de Ségur, que la grande tante avait constituée à coup de centimes scrupuleusement prélevés sur l’épaisseur du steak dominical.
C’est tout ce qu’il me fallait.
Tandis qu’il continuait son lestage, sa femme brandit un écran géant au-dessus de sa tête qui vola aussi sec à l’arrière de la charrette. Le téléviseur était sauvé ; moi aussi.
Je pris une grande brassée de volumes éparpillés au milieu de la route, manquai de me faire écraser par un motard qui fonçait comme un damné sur sa Harley et jetai le tout sur mon foyer.
– J’ai revu cet homme qui jouait de la vielle dans le couloir sous voies. Je lui ai donné deux francs, c’est un Hongrois. C’était bien.
Bon ! J’vais m’coucher.

Figlio di...
Voilà deux semaines qu’il me manque - justement - 1 fr. 60 pour acheter le dernier Murakami ! Ryu, le Terrible. Ce barbare ensanglanté dont on ne saurait se passer. Quoi que, mon cœur balance. Avec tout ce qui c’est passé ces derniers temps, j’ai l’impression d’être enfermée dans « la consigne »* depuis une éternité. Peut-être que les deux derniers Schmitt ou un Ikezawa siéraient mieux à la situation et me donneraient un peu de cette lumière qui manque cruellement à l’atmosphère que je respire en ce moment ?
Son corps sent fort tandis qu’il se penche sur moi et souffle dans ma nuque.
– Evelarst se donne en concert vendredi. Je t’emmène ma poupée ?
Qu’est-ce que je suis censée répondre ?
Baricco vient de publier son dernier pamphlet. Mais seulement en italien. On ne le trouve qu’à Turin, paraît-il. Tu m’emmène boire un chocolat au Café San Carlo ?
Ridicule. Alors je léchai un compendium glacé dans ses cheveux :
– Je veux.

J’avais besoin d’un résumé. Une synthèse ou quelque chose de rationnel dans le genre. Qui sait si nous serons encore là demain avec cette saloperie qui s’infiltre dans nos poumons à chaque respiration.
J’expire et je dis tout, d’une seule traite. C’est ce que j’ai décidé.
Et tandis que je mâchouillais l’étape suivante, vieux réflexe de lorsqu’on avait le temps, mon bellâtre tournait les talons à l’angle de la rue. Me laissant seule sur le trottoir, à la merci de tous et de n’importe quoi.

Chapitre III

Ils auraient bu balancer une couverture ! Mais ça, par les temps qui courent, ça vaut plus cher qu’un Pentium 4. De toute façon, il n’y a plus de connexions nulle part. Enfin, pour ce qu’on en sait. Plus moyens non plus d’envoyer des sms, alors les gens se parlent.
– Vous n’auriez pas vu une petite fille de huit ans avec une robe à pois noirs et blancs ? Elle s’appelle Charlotte.

Ses cheveux... ? Ah ! oui, noisette, comme ses yeux, en amandes. Oui, ses yeux sont en amandes. Non elle n’est pas Russe, son nez est un peu rond. On a tout le temps envie de faire des bisous sur un nez pareil. Et si je ne peux pas lui en faire un ce soir, elle ne parviendra pas à s’endormir, vous comprenez ? C’est pour cela qu’il faut que je la retrouve.
Je comprenais parfaitement.
Elle faisait partie de la moitié de ces femmes qui cherchaient leur enfant tandis que l’autre moitié essayait de trouver un peu de nourriture ou des médicaments, un vêtement chaud ou le doudou qui s’était évaporé dans l’implosion.
Comme la plupart des substances non vivantes.

Chapitre IV

Comment avions-nous pu en arriver là ? Tout est allé si vite ces dernières années. Un peu à la façon d’une avalanche. Dont on n’entend d’abord que les échos du cri, au loin dans la vallée, en différé. Le son et l’immanence des événements ne nous semblant que très lointain, appartenant à une autre réalité. Celle des mouvements de la Terre, dont le sens, au fil de l’évolution, a échappé à nos perceptions à mesure que nous en devenions les trublions. Non, il ne s’agit pas d’une sorte de petits gnomes au nez torsadé, mais plutôt d’un être tout à fait étrange. Bien de sa personne. Toujours impeccablement propre sur soi et en adéquation irréprochable avec le reste du monde : un agent perturbateur. Sourd et aveugle, à force d’être submergé par un tumulte permanent qui étouffe en lui l’animal. Forcément, toutes ces stridences métalliques, sans parler des odeurs qui s’amplifiaient, des images qui s’amoncellent dans la conscience. Un type a dit un jour à la radio qu’un enfant de dix ans avait vu dans sa vie plus d’images que l’humanité toute entière, de l’homme des cavernes au lord anglais. Un truc à vous boucher tous les pores de l’intuition. Insoutenable.
Fermez les écoutilles ; on sombre.

mgm chili
Michael Musson

* Ryu Murakami, Les Bébés de la consigne automatique


Magaly Mavilia - 23.10.2007
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Ishmael es-ce toi ?

Je n’ai jamais connu mon grand-père Raoul Tarrou qu’a travers sa peinture. Camus fit un bout de chemin avec lui en Algérie... S’en inspira pour son personnage dans la peste.

Michael Musson - 12.10.2012

The spell seeds

Il a dit La mort est merveilleuse ...

Magaly Mavilia - 08.07.2019

mama Africa

Au dela de cette large bande saharienne sabloneuse on voit par-ci par là des agglomérations rurales presque aussi sabloneuses.

Michael Musson - 14.12.2013

La source

七転び八起き
(tomber sept fois, se lever 8)

Michael Musson - 10.01.2024