Autour du petit square, les gens s’affairent sans se presser. Les commerçants ouvrent leurs échoppes en se signant. Tous le monde se salue avec un "mucho frio" (il fait très froid). Les Indiens arrivent des montagnes avec leurs jolis chapeaux multicolores. Le dos courbé sous un énorme baluchon ; une simple couverture noire avec deux bandes rouge, blanc, marron, ou aux innombrables couleurs éclatantes : jaune citron, rose bonbon, orange, violet profond. Dans ces solides tissages aux usages multiples, paysans et montagnards apportent textiles, légumes, poteries, pommes de terre et chaussettes.
Femmes, hommes, enfants, chacun porte sur ses épaules le travail de la semaine ou des mois précédents ce grand jour. Couverts jusqu’aux genoux dans leurs grands ponchos, jambes nues et pieds cornés, burinés, tout petits, aux allures d’antiquités. On a peine à imaginer qu’ils puissent se contenter de sandales en lanières de vieux pneus de voiture ou de camion avec le froid qu’il fait.
Radio Santa Cruz remercie ses fidèles auditeurs d’avoir participé à la messe dominicale et enchaîne avec une chanson d’amour. Mélange suave de tango, de mandoline et de musiques andines, ici les mélodies sont le support de déclarations enflammées et d’aveux déchirants !
Les yeux se croisent sous les montéra ; dans la nuque des hommes, les clochettes tintinnabulent au bout de ces galurins traditionnels, épigrammes de tissu qui ont su détourner avec panache l’image des casques conquistadors. Les femmes font discrètement tourner leurs jolies robes, laissant apparaître ici et là un brin de dentelles, et les petits rubans pastel de leurs coiffes de paille frémissent sur leurs épaules. On se salue, on se reconnaît, on se voit pour la première fois et l’on aura de quoi rêver jusqu’au prochain jour de marché.