ya-soma !

Oui, on s’inquiète de la condition de la femme en Afrique...
Mais la condition des routes ne devrait pas non plus être négligée !

Michael Musson - 03.02.2014

Tout fout le camp

Il y a longtemps j’écoutais volontiers une chanson de Mecano

Michael Musson - 28.07.2009

Le chapeau

On voit une pièce un peu sombre avec quelques chaises, une table basse. Sur celle-ci gisent deux ou trois magazines. Un homme est assis là.

mgm suisse donneloye


Il a considéré un moment les revues. A même tendu machinalement la main pour en prendre une, puis s’est ravisé tout en pestant intérieurement contre cette ampoule pétée.
Il observe maintenant un tableau tout à fait fade exactement devant lui, sous la seule source lumineuse de cette salle d’attente. L’œuvre est tellement déprimante que son regard va se réfugier dans le coin le plus sombre de la pièce.
Sa vision s’ajuste peu à peu à la pénombre qui règne là...
Il s’aperçoit alors que quelqu’un l’observe fixement depuis ce recoin obscur. Cette personne porte un chapeau. La silhouette imposante est à ce point engluée de ténèbres que les seules choses qu’on distingue sont l’éclat assourdi de ses yeux et son chapeau.
Histoire de casser la glace, l’homme lance un bonjour incertain vers la forme sombre. Ce qui n’a pas du tout l’effet escompté. Le mystérieux personnage ne pipe mot, tout en continuant à l’observer sans ciller.
L’homme commence à trouver cette attitude inquiétante. Le voila tiraillé entre l’envie de s’éloigner de ce personnage menaçant et la loyauté envers son psy qui se trouve derrière cette porte et qui va, d’une minute à l’autre l’inviter à entrer.
Il décide de prendre le taureau par les cornes et demande à l’étrange personnage la raison de sa présence au cabinet du docteur Z. Après tout, il s’agit peut-être là d’un dangereux psychotique, tueur en série de surcroit. Auquel cas il serait judicieux de s’éclipser prestement.
Toujours pas de réponse.
Les vieilles paranoïas que le bon docteur Z s’était évertué des mois durant à calmer chez son patient s’enflamment maintenant sous le regard de braise de cet étranger.
Il croit reconnaître à la forme du chapeau un sinistre personnage qu’il avait entre-aperçu à la bibliothèque municipale, rôdant aux alentours de la section occultisme.
Plus il lorgne vers l’étranger et plus la logique de la chose lui apparaît clairement.
Il est en présence d’un des membres d’une confrérie de sorciers mandaté par ses collègues pour obtenir un élément sacrificiel, de préférence humain.
En regardant plus attentivement le chapeau de l’étranger, il y distingue une sorte de médaillon sur lequel figure un pentagramme.
Alors que notre homme s’apprête à se lever pour signaler à la secrétaire la présence de l’individu suspect, une note se fait entendre. Une vibration extrêmement basse s’apparentant aux prières des moines tibétains. Ce chant monocorde qui n’a malheureusement rien de divin semble provenir du sorcier et va en s’amplifiant.
Persuadé qu’il s’agit là d’une incantation destinée à prendre possession de son âme, le patient du docteur Z est paralysé de terreur dans son siège. Ses muscles tétanisés ne répondent plus et son visage, animé de spasmes, a beaucoup perdu de son charme. C’est fort dommage, car c’est à ce moment là que la secrétaire ouvre la porte et annonce de sa voix de velours : « Le docteur Z va vous recevoir Mr X ».
Il bondit alors de son siège et se rue en hurlant sur mademoiselle Y qui a juste le temps de s’écarter de l’embrasure de la porte.
Le docteur Z est assis à côté du canapé. Il suçote rêveusement l’extrémité d’une monture de lunettes tout en écoutant les propos incohérents de son patient, Mr X.
D’après ce qu’il arrive à capter de ce monologue fébrile, il est question d’une confrérie de sorciers qui cherchent à le kidnapper. La routine quoi ! Tout à l’heure c’était des extra-terrestres planqués dans le frigidaire de Mr V. Il commence à avoir l’habitude de ces sortes de romans de science-fiction que lui servent ses patients.
Pourtant le cas de Mr X est quand même différent.
Ce patient est venu le voir pour la première fois il y a un an. Il souffrait à l’époque d’une profonde déprime liée à la mort de la plante verte siégeant dans le hall de son immeuble.
Il avait depuis joliment remonté la pente, a coup de yogourts à l’aloe vera et des séances hebdomadaires chez le bon docteur Z.
Mr X avait toujours eu des tendances paranoïaques. Il prétendait que ses voisins s’étaient ligués contre cette pauvre plante afin de la faire passer de vie à trépas.
Il lui avait même amené un jour un polaroid du caniche de la concierge pissant sur l’infortuné végétal.
Il revoit encore Mr X lui agitant la photo sous le nez en piaillant d’un air triomphant : « Vous voyez, vous voyez, elle à même dressé son animal pour cette sale besogne ! »
Mr X lui avait confié lors d’une séance qu’il craignait pour sa vie car il possédait plusieurs preuves incriminantes concernant l’affaire de l’assassinat du ficus. Et il était convaincu que les personnes responsables conspiraient contre lui.
Cela fait maintenant cinq minutes que le patient X s’est tu, mais le docteur Z, plongé dans ses souvenirs, ne s’en est pas aperçu.
Finalement c’est une quinte de toux tonitruante de Mr X qui le tire de sa rêverie.
« HmmmKay, bien » dit-il « et que pensez-vous de tout cela ? »
« Eh bien à mon avis ... »
Et voila Mr X reparti dans ses hypothèses hasardeuses sur un nouvel ordre mondial sous l’égide des petits hommes gris.
« Aaah » soupire intérieurement le docteur Z « ce qu’il me faudrait c’est plus de patientes. Oui, quelques femmes ça serait très décoratif sur ce joli divan capitonné. Je vais mettre de la pub dans Femina et on verra. Bon sang, encore une demi-heure et l’autre qui ne veut pas changer de disque. »
Plus tard, une autre de ces quintes de toux le tire de sa somnolence et, par réflexe, il lorgne la pendule, qui sourit et lui fait un clin d’œil.
Éberlué, il se tourne vers Mr X. « Vous avez vu... »
Mais Mr X n’a plus de visage. Plus d’yeux, de bouche ou de nez. A leur place il n’y a qu’une étendue lisse de chaire grise.
« Excusez-moi un instant. »
Il se lève et passe dans la pièce attenante où se trouve un lavabo. Après avoir aspergé son visage d’eau fraiche, il revient dans son salon de consultation et, rassuré après avoir jeté un coup d’œil à la pendule et au visage étonné de son patient, lance d’un ton mielleux :
« Eh bien, nous voila arrivés à la fin de cette séance. Je crois que nous sommes en nette progression. Prenez-donc rendez-vous avec ma secrétaire pour la semaine prochaine. »
« Il faut être prudent avec ce patient » se dit-il « apparemment ses hallucinations sont contagieuses. »
Par acquis de conscience il entre dans la salle d’attente pour vérifier si cette histoire de sorcier est vraie ou pas...
La pièce lui semble normale. Dans un coin il y a trois chaises et une table basse et dans l’autre le porte-manteau avec son pardessus en mohair beige et son chapeau.
Alors qu’il s’apprête à les prendre, il comprend soudainement ce qui s’est passé ici. Il recule un peu pour confirmer ses soupçons tout en ne lâchant pas le porte-manteau des yeux. C’est maintenant très clair pour lui ; Mr X a pris son porte-manteau pour un sorcier.
A ce moment précis un homme entre très silencieusement dans la pièce. Le docteur Z, qui a l’ouïe fine, se retourne et considère un moment le nouveau venu.
« Il y a quelque chose d’étrange dans son accoutrement. » se dit-il. « C’est comme si ce personnage était sorti tout droit des temps médiévaux. »
« Bonjour monsieur, avez-vous pris rendez-vous ? » Il était convaincu que la séance avec le patient X était la dernière de la journée.
« Allons droit au but » rétorque l’inconnu, « avez-vous réussi à établir le contact avec Mr X ? »
« Mais enfin que signifie cela ? » S’exclame le docteur. « Mr X est mon patient de longue date. Bien entendu que j’ai établi le contact. Et puis d’abord qui êtes-vous ? Il ne me semble pas vous avoir vu avant. »
L’homme indique un médaillon sur son chapeau sur lequel est gravé une pentagramme. « Et ça vous l’avez déjà vu avant ? »
Le docteur se tourne alors vers son propre chapeau et s’aperçoit qu’un médaillon similaire a été fixé sur le ruban bleu qui encercle son feutre.
« Voila qui est fort étrange. Cet homme serait-il le sorcier dont me parlait Mr X ? Si c’est le cas je ferais mieux de jouer le jeu en prétendant faire partie de leur confrérie afin de découvrir ce qui se trame contre mon patient. »
Il se retourne et lâche avec un sourire gêné : « Excusez-moi, je suis tellement pris par mon rôle de docteur... Ecoutez, il s’agit là d’un cas particulier. Il y a quelques modifications à apporter au plan. »
« Vous savez bien que seul le maître décide de cela » objecte l’autre d’un ton acide.
« Eh bien allons le voir afin de régler ces derniers détails. » Presse le docteur.
Le sorcier s’empare de son natel. S’ensuit une conversation chuchotée...
Après une demi-heure de taxi ils se retrouvent dans un grand manoir sur les rives d’un lac fangeux.
Le docteur rencontre celui qu’on nomme le maître. Un petit homme jovial et grassouillet à la poignée de main moite.
« Ne faites pas attention à la pédantise de mon valet » murmure-t-il alors que celui-ci se tient raide comme un piquet, gardant la porte.
« Je m’attendais à votre visite... »
« Oui, bien sûr, » acquiesce le docteur « serait-il possible de reparcourir ensemble les étapes de l’opération pour être sur que rien ne soit laissé au hasard ? »
« Fort bien ! » S’exclame le maestro, l’œil vif et luisant. « Ruprecht, pourriez-vous nous laisser je vous prie ? »
« Mais enfin Magister ... » proteste le sorcier d’un ton outré. Il n’a pas le temps de finir sa phrase que le grand pontife le coupe d’un ton sec. « Ne discutez pas et filez en cuisine nous préparer des crumpettes au beurre ! »
Le vindicatif sous-fifre se retire donc à contrecœur et, alors que ses grommèlements contrariés s’amenuisent le long des couloirs labyrinthiques de la vaste demeure, le maître tourne son regard vers le docteur.
« Voila, asseyez-vous, je vais tout vous expliquer. » Ce disant son éminence s’installe dans un confortable fauteuil puce et allume une pipe en forme d’étron.
« Voyez-vous, » commence-t-il « le patient X n’est pas un homme ordinaire.
Pour bien vous faire comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la situation qui vous concerne : vous et votre patient, je vais utiliser une analogie.
Il s’agit du principe des vases communicants. Imaginez deux grosses jattes de grès. Une de celles-ci est pleine d’eau.
Prenez maintenant un tuyau et siphonnez le contenu du récipient plein vers l’autre. Quelque temps plus tard les deux contiendront la même quantité de liquide.
Tout cela est bien intéressant me direz-vous, mais quel rapport avec mon patient X.
Disons que votre patient X est la jarre pleine. La jarre vide représente le monde tel que nous le connaissons. Et l’eau c’est en quelque sorte le monde imaginaire du patient X. Un amalgame entre des fragments de réalité et ses hallucinations. Nous aimerions étudier exactement comment ces éléments imaginaires se transforment pour se manifester dans le monde réel. »
Une explosion assourdie se fait entendre et quelques morceaux de plâtre tombent dans le brandy de son excellence. Celui-ci, vif comme un écureuil saute sur ses pieds. « Fichtre, ça vient des cuisines. Ce pignouf de Ruprecht s’est encore trompé d’incantation pour la cuisson des crumpettes, je ferais mieux d’aller voir. »
Le docteur reste là plongé dans ses pensées.
« Ces individus issus du monde imaginaire de mon patient veulent se servir de lui comme cobaye pour leurs expériences métaphysiques douteuses. Mon devoir est de le protéger...
Mais comment faire ?
L’ennemi semble nombreux et déterminé. »
Ils avaient effectivement croisé une dizaine de sorciers en parcourant, tout à l’heure, les couloirs menant au salon. Tous portaient le même chapeau...
Tout en auscultant le sien il s’approche du feu pour avoir plus de lumière. Il considère attentivement le médaillon, puis arrivé à la conclusion que le couvre-chef avait manifestement été ensorcelé le jette dans le feu.
Le feutre flambe instantanément avec son médaillon. « Voila qui est étrange. » Se dit le docteur. « Un médaillon ne peut pas flamber. » Et voila maintenant que tout le salon et son mobilier deviennent transparent, se désagrègent, alors que résonne un son caverneux. Un peu comme ces chants de moines orthodoxes du mont Athos en Grèce.
Le docteur fait ensuite une chute d’un bon mètre, alors que le reste du manoir finit de disparaître, pour se retrouver au milieu d’une vaste prairie. Trop abasourdi pour se relever, il reste un long moment hypnotisé par le reflet de la lune dansant sur les eaux du lac en contrebas.
Finalement, le brave docteur se met en marche vers la ville le cœur léger. « Voila qui est réglé. » Se dit-il. « Mon chapeau à entrainé dans sa destruction tout ses collègues et leurs montures. Bon débarras. » Puis un affreux doute le submerge. Il a l’impression d’avoir commis une monumentale bévue, mais il n’arrive pas à mettre le doigt dessus.
Arrivé devant la porte de son cottage et alors qu’il s’apprête à introduire la clé dans la serrure, un chant grave retentit. Evoquant par son timbre celui des prêtres de la quinzième dynastie égyptienne sous Apophis premier.
Le cottage se fait la malle et le docteur paniqué regarde ses mains devenir translucides. « J’étais donc moi aussi une illusion de Mr X. » Se dit-il.
En un éclair il réalise l’erreur qui l’a mené à sa perte. « La plante... » Murmure-t-il, puis il disparaît.

Mr X est dans le hall de son immeuble.
Il était sur le point de s’engouffrer dans l’ascenseur pour monter se coucher après cette journée harassante, mais quelque chose à la périphérie de son champ de vision avait capté son attention.
Il y avait là devant le miroir un splendide ficus.
La voix graveleuse de la concierge le tire de sa contemplation. « Un p’tit gars l’a amené pour vous ce matin. Il y avait ça avec. »
Elle lui tend une carte... Celle du docteur Z.


Michael Musson - 25.11.2007
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Ishmael es-ce toi ?

Je n’ai jamais connu mon grand-père Raoul Tarrou qu’a travers sa peinture. Camus fit un bout de chemin avec lui en Algérie... S’en inspira pour son personnage dans la peste.

Michael Musson - 12.10.2012

The spell seeds

Il a dit La mort est merveilleuse ...

Magaly Mavilia - 08.07.2019

mama Africa

Au dela de cette large bande saharienne sabloneuse on voit par-ci par là des agglomérations rurales presque aussi sabloneuses.

Michael Musson - 14.12.2013

La source

七転び八起き
(tomber sept fois, se lever 8)

Michael Musson - 10.01.2024