La première fois que je les ai vus, il y a deux ans, je rentrais d’un voyage entre l’Asie et l’Amérique du Sud. Je regardais par la fenêtre, lorsqu’il s’est posé au loin, dans le champ qui s’étire de ma cabane à sa Majesté le Grammont.
Dans ma naïveté, je l’ai pris tout d’abord pour un pélican, avant que mon fils, entre deux éclats de rire ne m’informe sur la véritable identité de notre nouveau voisin : le héron cendré.
Bon sang ! mais c’est bien sûr, impossible de confondre un bec de héron, tout long tout fin, avec celui d’un pélican ! Pourtant, il est presque aussi grand et peut étaler ses ailes sur deux mètres d’envergure. Ça fait beaucoup de plumes à admirer d’un coup dans le ciel azuré.
Il se plaît particulièrement du côté de chez moi, parce que je vis dans une zone marécageuse, et protégée... pour ses moustiques ? Ceux-là, le héron les gobera tout cru avant d’aller nicher sur la cime des peupliers. Bien haut, tout là-haut, à l’abri des prédateurs. Ah ! s’il pouvait les manger tous, les moustiques, mais ce majestueux oiseau est fine bouche et ne dédaigne pas la chair fraîche des poissons, des petits mammifères et des serpents.
Fameux chasseur, il est d’une patience toute ascétique et sait rester à l’affût pendant des heures, parfaitement immobile. Vous pensiez qu’il somnolait sur les pierres au bord du lac. Détrompez-vous, il guète. Au moment opportun, à la vitesse de l’éclair, son cou se détend et son bec en forme de poignard transperce la victime qui sera gobée toute crûe ou rapportée au nid (vers la fin du mois de janvier), quand, après avoir voyagé du côté de l’Afrique, il aura bien copulé dans les marais d’Europe.
Voilà un redoutable concurrent, ont pensé pendant des décennies d’égoïstes pêcheurs. Et de persécuter le pauvre animal au point d’en faire presque un oiseau rare. Depuis 1975, protection oblige, les affaires du héron cendré se sont arrangées, mais il ne retrouvera jamais la prospérité d’antan car bien des marais ont disparu.