"Que d’itinéraires nous tatouons sur la peau du monde, qui ne sont que l’ivresse du destin ! Que d’ascensions lointaines sur la voie de l’infiniment proche." - André Velter, L’Himalaya, Ed. Favre
Boudé par les agences de tourisme, l’Himachal Pradesh n’a pourtant cessé d’attirer bien des célébrités. Depuis la nuit des temps, Shiva y passe ses hivers à méditer, tandis que les Anglais y établirent leurs quartiers d’été de 1819 à 1939. Depuis, Shimla, la capitale, est l’une des stations les plus chics de l’Himalaya. Fuyant les chaleurs estivales des plaines, Indiens et Occidentaux s’y pressent du printemps à l’automne, conquis par ses charmes coloniaux.
En 1960, "le pays des sommets" devient officiellement terre d’accueil pour le Prix Nobel de la paix, sa Sainteté le XIVe Dalai Lama, et son peuple.
Nous sommes à la frontière "Indo-Tibétaine", comme le précisent les panneaux qui jalonnent ces contreforts Himalayens. Au nord s’étire le Kashmir, à l’ouest le Pakistan.
Aimables, cultivés et irrésistibles commerçants de surcroît, les Tibétains ont su créer un mouvement mondial de sympathie à leur égard. Dans ce petit état du sous-continent indien, ils ont largement contribué à l’essor d’un tourisme en constante expansion. Ainsi, avec Shimla pour ses palaces ou le Spiti et le Kinnaur pour leurs monastères et leurs paysages exceptionnels, Mc Leod Ganj est devenue l’une des principales destinations des voyageurs. On vient ici avant tout pour se refaire une santé. L’air y est des plus purs et l’offre gastronomique fort alléchante. Le long des ruelles serpentines, on mange tibétain ou continental, bien entendu, mais aussi coréen, italien, népalais, japonais ou tout simplement indien. En Himachal, on a le privilège de pouvoir se dépasser tout en se délassant. De la marche à l’escalade, sur des sommets qui avoisinent les 7000 m, on y pratique le ski, le camping en tentes de luxe ou en bivouac, le kayak ou le patin à glace. Et si l’Himachal est le paradis des sportifs, il est aussi celui des ethnologues, des ascètes et des ermites qui parfois ne sont plus qu’une seule et même personne en chemin.
Comme le décrit si bien André Velter, poète et grand voyageur : "Suivre un sentier qui s’élève, c’est aussi s’élever. Lentement la pensée désarme ses polémiques. L’adaptation au milieu s’amorce pas à pas. Le mental s’oriente à la hausse.
L’évocation de ces contrées extrêmes exige un parcours successivement apparenté au voyage, à l’escalade, au pèlerinage, sorte de repérage improvisé pour un pays sans mode d’emploi où toute présence relève du prodige. Ici la nature est en proie au surnaturel, et l’errance qui d’emblée multiplie images ou émotions se change parfois en initiation, le cheminement se doublant d’une avancée d’ordre spirituel. Avec de telles perspectives, la ligne de crête devient paysage intérieur, la conscience individuelle participe d’un élan plus vaste.
Mais pour atteindre pareille contemplation, trois semaines d’ascèse musculaire s’imposent. La loi de l’escalade étant qu’une montagne en cache toujours une autre, voilà qui trempe le caractère, sans parler du maillot. Il y a dans l’effort physique un exercice spirituel qu’on néglige trop souvent, exception faite des moines qui juchent leurs lamaseries au plus abrupt. Ils ont ainsi le privilège d’accueillir des pèlerins écarlates, vacillants, prêts aux mortifications extrêmes contre une bouffée d’oxygène. Les premiers pas vers l’initiation sont donc à prendre au sens propre, c’est-à-dire à pied et si possible chargé comme une mule. L’ego inondé de sueur abandonne mieux ses arrogances. (.) Evidemment, sitôt parvenu au sommet et le rythme cardiaque apaisé, le chant intérieur s’octroie d’autres sonorités. On glisse de la modestie gémissante à l’exaltation de l’exploit."
Ici, dans le district du Spiti, dit-on, le meurtre était inconnu jusqu’en 1930. Mais l’histoire ne nous dit pas qui a tué qui, ni pourquoi ; une femme, une chèvre ou un cheval, pour une réserve de bois, de beurre ou un lopin de terre cultivable ? Fondé entre le VIIe et le IXe siècle par les Tibétains, Dhankar signifie "un endroit caché dans les montagnes que les étrangers ne peuvent atteindre". Depuis la vallée, six cents mètres plus bas en ligne droite, on ne voit rien. Pourtant, depuis des siècles, une petite communauté vit toujours derrière ce rempart minéral démesuré.
Au petit matin, un groupe de femmes apportent le bois coupé au monastère. L’intendant échange les fagots contre quelques roupies. Tashi Getuk est aussi cuisinier, et pratique avec maestria l’art subtil des variations infinies entre le riz, les lentilles, la pomme de terre et les occasionnels petits pois.
Les trompettes sonnent, la puja va commencer avec le jour. Les chants accompagnent les mouvements lents d’une vieille qui bêche un champ en terrasse inondé. Entre les stalagmites sculptées par des mains de géants, le soleil se lève sur le monastère de Dhankar.
Ici la vie est rude et les choses les plus simples redeviennent si précieuses ; l’eau, la nourriture, un thé chaud. Le jour est brûlant et les nuits glacées. Les lits de bois recouvert d’un épais tapis sentent le mouton et la sueur. Le lever du soleil est une bénédiction.
Des rochers immenses se succèdent, suivi par des flancs de coteaux qui se transforment lentement en pentes de sable et de pierre. Les forces de la nature ont raboté sans pitié la roche la plus dure. Au loin s’étend un plateau dénudé.
Un sentiment d’espace infini nous envahit, amplifié à la vue des maisons perchées sur la crête des montagnes. On voudrait être un oiseau. Plonger tête baissée du sommet de ces à-pics vertigineux, puis remonter d’une traite la paroi verticale qui nous fait face.
En fin d’après-midi, les enfants ramènent chèvres et moutons au bercail ; un enclos de pierres entassées dans la cour intérieure des habitations. Une petite fille haute comme trois pommes court derrière sa jument et son poulain. Tous trois dévalent les ruelles étroites entre les maisons blanches, raides comme des toboggans, parsemées de petits cailloux. Pas un faux pas, pas une glissade. Les pieds et les sabots ont l’assurance de l’habitude.
Le couchant enlumine les pans de montagne de nuances toutes jupitériennes ; du noir à l’ocre, avec des vagues mauve et verte. Ici, c’est le désert des contreforts de l’Himalaya ; et pourtant tout est si rassurant. Au sommet du village, nous nous blottissons comme dans un nid d’aigle, inaccessible et dominant, mais sans prétention.
"Il y a quelque chose d’irréel dans la perception que j’ai de mon compagnon et de ce qui m’entoure, écrivait l’alpiniste Maurice Herzog. Ce paysage diaphane, cette offrande de pureté n’est pas ma montagne. C’est celle de mes rêves. Une coupure immense me sépare du monde. J’évolue dans un domaine différent."
Au sud du Spiti s’étend le Kinnaur. Après des kilomètres de désert en semi-teintes, voici le vert, les fruits, les cultures et les hommes. Dans les vergers en terrasses poussent côte à côte le blé et les pommes. Avec leur joli foulard fleuri sur les cheveux, les femmes coupent du bois à la hachette. Ce sont les vieilles qui le transportent dans des hottes tressées ou en fagots énormes qu’elles tirent le long des chemins caillouteux.
A certain endroit on se croirait presque dans une vallée reculée du Valais, si ce n’était les variétés de pins et la vastitude des sommets enneigés alentours qui culminent entre cinq et sept mille mètres, tel le majestueux Shrikhand (5’227 m) au cour de l’Himalaya central. Un peu plus haut s’élève le Parbati Pass (5’319 m), emprunté par Peter Hilary et Graeme Dingle lors de leur expédition trans-himalayenne en 1981.
Dans la vallée, le village de Sarahan est devenu le point de départ des marcheurs ou des voyageurs qui se rendent au Spiti. Mais il attire également chaque année des milliers de touristes indiens qui viennent ici pour admirer, en dévots comme en curieux, le fameux temple de Bhimakali. Un des plus beaux exemples d’architecture de l’Himachal, mais aussi le dernier temple hindo-boudhiste où le sacrifice humain était encore perpétré jusqu’à son abolition officielle par les autorités il n’ y a que quelques dizaines d’années. Ici, pourtant, tout le monde laisse entendre que ce rituel serait encore pratiqué dans les villages reculés. Assurant ainsi la protection de Kali, la déesse assoiffée de sang, à tous les villageois et une rente viagère à la famille du volontaire
Le vieil homme m’a invité à boire le thé dans la cour de sa maison. Dans son village, il n’y a ni tchaïka (échoppe a thé), ni dhoba (petite gargote). L’unique épicerie du coin vend trois fois rien, c’est à dire un peu de tout. Des chaussures, des bougies et du savon. Entre les allumettes et les bâtons d’encens les rares légumes que l’on trouve par ici sont soigneusement alignés : pommes de terre, tomates, aubergines et concombres. Quelques haricots et, comme partout en Inde, piments, oignons et coriandre. Les fruits ne se trouvent qu’en saison, et comme ce n’est pas la saison des pommes, il n’y a pas de fruits.
Entre de longs silences, nous bavardons un peu.
- J’ai quatre enfants, lance fièrement Laxmi Dass Bhalumi, et voici ma femme.
- Quatre enfants !
- Oui, dit-il satisfait. Quatre garçons, précise-t-il. Et une fille.
Il me signifie qu’il a assez parlé en tendant son verre de thé à sa femme. Je fais de même, les remercie pour leur hospitalité et leur propose de revenir le lendemain avec quelques biscuits. Leurs sourires glissent lentement jusqu’aux oreilles. En guise d’accord, ils me tendent leurs friandises locales. C’est toujours agréable d’écosser quelques petits pois en marchant sur le chemin du retour.
Cet article a été réalisé grâce à la collaboration de la compagnie Air India.
Il est paru dans le numéro d’aout 2001 de Sports & Loisirs
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Un grand merci pour ces informations que je cherchais désespérément, j’ai mis votre page dans mes favoris.
Kelly
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Elisabetta
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SLT, en parcourant, je ne peux m’empecher de vous faire part de ce commentaire. Je trouve votre poste admirable.