
« miracle d’être un jour entendu jusque dans nos silences, et d’entendre en retour avec la même délicatesse »
Christian Bobin
Traces de Lumières
Faouzi Skali
Ce chemin, ô ami, tu t’y es perdu parce qu’il n’est pas le tien. Tu as emprunté les allées et les avenues des autres voyageurs parce qu’elles étaient fréquentées et que tu croyais les connaître !
Ce chemin, ò ami, tu t’en es détourné parce qu’il te fait peur C’est un chemin sur lequel tu es l’unique voyageur.
Tu as peur qu’en le prenant, ton nom ne soit effacé des mémoires et que pour toi-même comme pour les autres, tu ne sois plus qu’un étranger.
Il n’a ni traces ni contours, ni forme ni couleur. Il a cependant une saveur que toi seul sauras reconnaître. C’est là, ô ami, la seule conquête qui, pour toi, puisse compter. Souviens-toi que les paumes, que l’homme de Dieu tourne vers le ciel, sont plus tranchantes que le fils de l’épée. Arme-toi, ô ami, de courage et sois sans crainte. La mort sur ce chemin vaut mieux que milles vies !
« O sage, ces mots ont semé le désarroi dans mon âme. Tel un océan lourd d’une tempête, elle semble prête à se déchaîner avec fureur. Par quels moyens pourrais-je lutter ? Tes paroles, loin de m’apaiser, emportent loin de moi le peu de paix dont je pouvais jouir. Que faire, ô ami, maintenant que s’éveille ce monstre endormi ?
Qui donc habite au fond
de mon être ?
Je suis le calme même
et lui la tempête
Pour combattre ce dragon il te faut
Le bâton de Moïse, la fronde de David
ou l’anneau de Salomon
la sagesse du Messie et du Prophète, envol de
l’Esprit
L’Amour et la compassion.
Mais qui suis-je donc, moi pauvre hère, et comment affronter mon destin ? Ni prophète ni saint, je suis seul dans cette nuit. Le rêve qui m’emprisonne est celui de cette vie. Les flèches des mes ruses se sont épuisées sans qu’une seule issue paraisse à l’horizon. Est-il donc vrai que des hommes aient percé ce mystère ? »
Sache accepter ta nuit et prends ton mal en patience. C’est jusqu’au bout de la nuit que l’on voit poindre l’aurore et c’est du ventre obscur de la terre que germe le fruit.
Le don de la nuit t’est peut-être plus propice que celui de la lumière.
Secret d’une patience infinie !
Les vagues des désirs subjugués,
des paroles futiles
des pensées inachevées
se gonflent, puis viennent mourir
sur les traces de ton silence
L’âme dévêtue de ses souvenirs
s’enfouit dans la nuit profonde
« miracle d’être un jour entendu jusque dans nos silences, et d’entendre en retour avec la même délicatesse »
Christian Bobin
